Les plateformes de formation (Bullich, 2018) sont, comme toutes ressources (Lainé-Cruzel, 2004), des médiations matérielles des savoirs à enseigner. Nous entendons médiation des savoirs comme « l’ensemble des processus médiatiques et interactionnels qui concourent à la construction, au partage, à la diffusion voire à la confrontation de connaissances socialement institutionnalisées » (Galibert, Bonnet, 2015). Dans le domaine de la formation, la médiation est considérée comme un « opérateur de mise en commun » permettant de modifier et/ou d’améliorer les apprentissages notamment par des savoirs médiatisés (Peraya et alii, 2012). Les plateformes de formation à distance (FAD) font partie des environnements numériques offrant la possibilité à des publics - notamment empêchés - de suivre leur cursus scolaire en dehors d’un cadre présentiel. Sur ces plateformes, les publics développent des pratiques scolaires autour de littératies particulières leur permettant d’acquérir des savoirs de manière autonome à partir d’un ensemble de supports et de dispositifs scolaires comportant de nombreuses formes et sources d’information (Bautier, 2015, Aillerie, 2017). Dans cette perspective, les plateformes de FAD anticipent des usages et proposent des représentations sociales (Jodelet, 2013) inscrits dans l’imaginaire collectif mais pas forcément appréhendables pour tous les élèves sur un plan cognitif et culturel, voire même source de rupture en termes d’accessibilité. La question du support reste primordiale pour étudier les représentations liées à l’outil mais il s’agit surtout de saisir la plateforme de FAD autour d’une dynamique de production de sens associée à une forme matérielle (Verón, 1987). Dans cette visée, nous questionnons les usages (Chaudiron, Ihadjadène, 2010) des plateformes de FAD sur le plan de la persévérance scolaire. Entre estime de soi, pouvoir d’agir, mais aussi développement de savoirs expérientiels et de compétences relationnelles, la persévérance scolaire peut aussi signifier le droit à l’erreur ou qualifier l’abandon de la formation (Ferréol, 2020). Ainsi, nous nous demandons dans quelle mesure les plateformes de FAD proposent des conditions qui favoriseraient la persévérance scolaire, ou inversement conduiraient au décrochage si elles ne permettent pas de constituer un espace-temps sécurisant pour l’apprenant ou que les écarts entre le conçu, l’attendu et le vécu sont trop importants (Dussarps, 2014). En d’autres termes, comment la matérialité de l’outil renvoie-t-elle aux usagers, qui travaillent avec et sur la plateforme, les indices nécessaires à la construction de leur persévérance ? Pour cette étude interrogeant le rôle des plateformes de formation à distance dans le développement de pratiques encourageant la persévérance scolaire des élèves, nous nous appuyons sur le programme de recherche PERSCOL, financé par l’ANR (2023-2026) dont le CNED (Centre national d’enseignement à distance) est partenaire et dans lequel nous étudions la persévérance des lycéens. Nous analyserons la plateforme du CNED pour travailler sur ses caractéristiques dans une approche sémio-pragmatique. Nous partirons des six entrées de R. Jakobson (1963), à savoir les fonctions expressive, référentielle, poétique, métalinguistique, phatique et conative pour identifier les types de signes et les affordances particulières de la plateforme susceptibles d’encourager la persévérance des élèves (contrôle, engagement, interactions, affects, etc.). Dans une première partie nous reviendrons sur la question de la persévérance scolaire en essayant d’en définir les contours dans le cadre de la formation à distance, à la fois sur un plan théorique (Dussarps et al., 2024, soumis) et sur un plan empirique (à partir de données récoltées dans le cadre du programme PERSCOL via des questionnaires, entretiens, données scolaires et traces d’activité). Nous expliciterons ensuite le travail commencé sur le protocole d’analyse sémiotique de la plateforme en convoquant les différentes entrées que nous considérons comme importantes pour saisir les facteurs de la persévérance scolaire. Nous appliquerons ce protocole à une analyse de la plateforme du CNED et plus particulièrement d’une séquence pédagogique de Français en classe de 2nde. Nous mettrons en regard de nos analyses le public du CNED, hétérogène tant sur le plan de leurs usages et de la satisfaction de la plateforme que de leurs besoins en termes d’apprentissage et de soutien. Nous conclurons en montrant à la fois les apports de ce travail, comme leviers potentiels pour favoriser la persévérance des apprenants à distance dans le second degré, mais aussi les difficultés à établir une grille modélisant l’ensemble des critères de persévérance en contexte scolaire à distance et donc, la nécessité d’éclairer les éléments observés par d’autres types d’investigation (entretiens, données d’activités, etc.).