Dès le XVIe siècle, la constitution de savoirs spécialisés sur les mondes orientaux fut au coeur des préoccupations de l'Europe. Son expansion coloniale en direction de l'Amérique et commerciale et religieuse jusqu'à l'Extrême Orient formalisa de nouveau les savoirs acquis. Dès lors se mirent en place au sein des institutions (bibliothèques, musées, sociétés savantes, écoles) les capacités d'accueillir des manuscrits, des choses, des images, des récits. Ils furent les objets d'études d'un cercle de savants et de spécialistes de langues et de littératures orientales que le mot d'orientalistes désigna. Cet orientalisme académique fut à son apogée durant tout le XIXe siècle et la première partie du siècle suivant (Valensi, 2012: IX-XIII). L'orientalisme qui nous préoccupe ici correspond à la définition large qu'en donnait François Pouillon: «Il incluait tous ceux qui, au cours des siècles, et quelles que fussent leurs motivations, s'étaient attachés à étudier, décrire, illustrer, faire connaître la mosaïque des formations historiques, des langues et des cultures découvertes, pour les uns, dans le silence des bibliothèques, pour les autres, à l'issue de voyages et d'investigations archéologiques hors de l'espace des civilisations classiques» (Pouillon, 2012: XVII). La quête des manuscrits éthiopiens écrits en guèze -la langue classique éthiopienne -au cours des XVIIIe et XIXe siècle renvoie à cet orientalisme. Les Européens qui séjournèrent en Éthiopie à cette période revinrent chargés de manuscrits, peintures et objets qui furent déposés dans les différentes institutions européennes. Ils y furent classés, répertoriés,